Début de la transposition de la directive eau potable : toujours plus d’obligations en perspective pour les services publics

Par ordonnance du 22 décembre 2022 (ordonnance n°2022-1611), le gouvernement a débuté la transposition de la directive 2020/2184 relative à l’eau potable. Cette directive a entre autres pour effet de modifier la méthodologie de surveillance des contaminants. Nombre d’acteurs relevaient en mars dernier que ces nouveaux mécanismes pourraient exposer lourdement les collectivités à une augmentation de cas de non conformités (voir par exemple cet article d’actu-environnement).

La directive suit différents axes dont, selon le rappel du rapport accompagnant l’ordonnance :

  • la réaffirmation de l’accès à l’eau potable pour tous dans tous les territoires, y compris ultra-marins, avec des rendus réguliers à la Commission européenne sur cette mise en œuvre effective ;
  • la révision des paramètres à surveiller dans l’eau, avec l’intégration de nouveaux paramètres, tels que les composés perfluorés ;
  • la révision des exigences de qualité associées à ces paramètres ;
  • la mise en place de plans de gestion de la sécurité sanitaire des eaux, du captage jusqu’au robinet du consommateur, pour l’ensemble des acteurs concernés ;
  • une meilleure information sur la qualité de l’eau potable, pour tous les usagers.

La première pierre d’un ensemble de textes

La directive devant être transposée avant le 12 janvier 2023, le ministère de la Santé a ainsi porté et présenté cette ordonnance qui a été publiée dans la foulée au JO du 23 décembre. Des décrets (a priori 2) et arrêtés sont ou seront adoptés par ailleurs pour finaliser la transposition.

Les dispositions prévues dans le cadre de l’ordonnance, portent dans l’immédiat pour reprendre les termes là encore du rapport :

  • la définition des besoins essentiels en eau potable des personnes pour garantir de bonnes conditions de santé et d’hygiène et la définition des usages domestiques avec des précisions sur les usages pour lesquels l’eau destinée à la consommation humaine est requise ;
  • de nouvelles responsabilités pour les communes et leurs établissements publics de coopération en matière d’accès à l’eau des personnes raccordées et non raccordées au réseau public de distribution, telles que l’identification et l’information des personnes ayant un accès insuffisant à l’eau ;
  • le déploiement d’une démarche préventive qui a fait ses preuves pour garantir la qualité de l’eau jusqu’au robinet du consommateur avec l’obligation de réaliser un plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau, pour les personnes responsables de la production ou de la distribution de l’eau ce qui conduira à la réforme de la politique de préservation de la ressource en eau des captages sensibles aux pollutions par les pesticides notamment. Cette réforme pourra pleinement s’appliquer dès lors que la définition des captages sensibles, dont les bases sont introduites par cette ordonnance dans le code de l’environnement, sera fixée par arrêté ministériel après concertation avec les acteurs en particulier du monde agricole comme largement exprimé lors de la consultation du public. L’évolution introduite consiste également en une rationalisation des périmètres de protection de captage et la possibilité de contribuer à la mission de préservation de la ressource en eau, pour les collectivités qui le souhaitent, en liaison avec le préfet afin d’établir un programme d’action encadrant les pratiques qui dégradent la qualité des points de prélèvement. Cette dernière obligation s’applique également aux personnes responsables de la distribution d’eau à l’intérieur de locaux ou établissements recevant du public.

De nouvelles obligations pour les services émaillées d’incertitudes sur les obligations et coûts de demain

En l’état, l’ordonnance modifie entre autres les codes de l’environnement, de la santé publique, des collectivités territoriales avec plusieurs axes. Sans être exhaustifs on signalera :

1) L’extension du droit à l’accès à l’eau potable et le diagnostic

Le texte conduit à notre sens à un certain renforcement du droit d’accès à l’eau pour répondre aux besoins élémentaires de « consommation humaine suffisante pour répondre à ses besoins en boisson, en préparation et cuisson des aliments, en hygiène corporelle, en hygiène générale ainsi que pour assurer la propreté de son domicile ou de son lieu de vie. » avec pour les services en charge de la compétence AEP l’obligation de prendre des mesures pour garantir cet accès.

Ces modifications posent nécessairement des questions pratiques sur la gestion des impayés et restrictions que certains services tentaient encore de pratiquer.

L’ordonnance créé une obligation de recherche des personnes n’ayant pas accès à l’eau (ou un accès insuffisant) et demande aux services de justifier des raisons de cette absence d’accès suffisant.

Ce diagnostic devra être réalisé (art. 9 non codifié de l’ordonnance) au 1er janvier 2025 pour les autres EPCI ou communes encore compétentes. Pour les les communautés de communes qui seront compétentes au 1er janvier 2026 elles devront l’adopter au 1er janvier 2027 au plus tard (mais en toute logique il s’agira d’une compilation alors on le suppose des diagnostics des communes). Ce diagnostic devra être actualisé tous les 6 ans par la suite.

Ce point n’est pas sans questionner nécessairement la possibilité ou non à terme pour les services de maintenir une absence d’alimentation d’écarts d’autant que l’article L.2224-7-3 du CGCT nous semble limiter les conditions de maintien des restrictions d’accès.

L’article 8 de l’ordonnance dispose néanmoins que les charges résultant de certaines de ces obligations seront compensées financièrement qui seront déterminées par une loi de finance …

2) Des définitions, des usages et un suivi qualitatif renforcé

L’ordonnance apporte comme souvent une modernisation des définitions et des usages. Elle précise ainsi les usages possible d’eau non destinée à la consommation humaine. Elle distingue à l’image de l’article L.2224-7 entre la qualité de « personnes responsables de la production d’eau » en précisant qu’il s’agit d’une personne publique ou privée tandis que les « personnes responsables de la distribution » sont systématiquement les personnes publiques. L’intégration de personnes privées est une manière de maintenir la situation des productions privées existant encore sur certains secteurs qui faisant déjà débat lors de l’adoption de la loi de 2006 (LEMA).

L’article 2 de l’ordonnance quant à lui modifie les articles L.2224-5 et suivants du CGCT en modifiant les obligation sur le RPQS (un décret devant déterminer les indicateurs qui devront y figurer, ainsi que les modalités d’information et de suivi).

3) La contribution à la gestion et à la préservation de la ressource et la notion de prélèvement sensible

L’article 2 organise aussi la contribution à la gestion et à la préservation de la ressource.

Concrètement toute personne publique productrice (les producteurs privés ne sont donc pas visés) peut contribuer ou doit contribuer si le prélèvement est opéré à partir d’un point de prélèvement sensible. Tout contributeur met en place également un plan d’action pour maintenir ou améliorer la qualité de l’eau (articles L.2224-7-6 et L.2224-7-7 du CGCT).

L’article 3 modifie le code de l’environnement sur les aires de captage et permet notamment d’appréhender ce qu’est un prélèvement sensible. Au sens de l’article L.211-11-1 du code de l’environnement :

« Lorsque les résultats d’analyses de la qualité de l’eau issue directement d’un point de prélèvement, utilisée pour la production d’eau destinée à la consommation humaine, font apparaître, pour les paramètres définis par arrêté des ministres chargés de l’environnement et de la santé, des niveaux excédant des seuils fixés par ce même arrêté compte tenu des exigences mentionnées au deuxième alinéa du I de l’article L. 1321-1 du code de la santé publique, le point de prélèvement est regardé comme sensible. » ; »

L’article 3 adapte aussi les règles relatives aux périmètres de protection pour prendre en compte le plan d’action.

Au sens de l’article L.2224-7-7 du CGCT le plan d’action comporte des mesures consistant notamment à :

« 1° Sensibiliser, informer et mobiliser les acteurs du territoire pour préserver la qualité de la ressource en eau et les accompagner dans la mise en œuvre d’actions contribuant à cet objectif ; 
2° Réaliser toute étude nécessaire pour mettre en œuvre, compléter ou actualiser le plan d’action ; 
3° Suivre la qualité de la ressource en eau ; 
4° Soutenir et favoriser la transition agro-écologique ; 
5° Assurer la maîtrise foncière pour la mise en œuvre d’actions destinées à protéger ou restaurer la ressource en eau ; 
6° Mettre en place des aménagements limitant le transfert de pollutions vers la ressource en eau ; 
7° Signer des conventions d’engagement avec les partenaires du plan ; 
8° Suivre et évaluer l’efficacité de la démarche. 
Lorsque le plan d’action concerne un point de prélèvement sensible, au sens de l’article L. 211-11-1 du code de l’environnement, il contient également des propositions de mesures pouvant être rendues obligatoires dans le cadre d’un programme d’action établi en application du 7° de l’article L. 211-3 du même code. » ;

4) L’individualisation des factures d’eau par les bailleurs et syndics quand le contrat n’est pas individualisé

Enfin l’ordonnance comporte en ses articles 4 et suivants plusieurs mesures comme : l’individualisation des factures d’eau par les bailleurs lorsque le contrat n’est pas individualisé ; la transmission en l’absence de contrat individualisé d’informations par le syndic d’une copropriété.